Cacher sa relation amoureuse avec une représentante syndicale : c’est une faute grave quand on occupe des fonctions de direction RH

Pour vivre heureux, vivons cachés. Pas pour la Cour de cassation lorsqu’il s’agit d’une relation amoureuse dans l’entreprise entre un salarié chargé de fonctions de direction RH et une salariée titulaire de mandats syndicaux et représentatifs, amenés de ce fait à participer conjointement à des réunions sur des sujets sociaux pouvant être sensibles. Le fait pour le salarié de cacher cette relation intime à son employeur est contraire à son obligation de loyauté et constitue une faute grave.

Quand la vie personnelle interagit avec la vie professionnelle : relation amoureuse d’un représentant de la direction avec une représentante syndicale

Tout salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée (c. civ. art. 9 ; cass. soc. 2 octobre 2001, n° 99-42942, BC V n° 291).

Il en résulte que si, en principe, un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier son licenciement pour faute, il en va autrement lorsqu’il y a eu manquement de ce dernier à une obligation découlant de son contrat de travail (cass. ass. plén. 22 décembre 2023, n° 21-11330 BR).

Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, un employeur reprochait justement à un salarié occupant des fonctions de direction dans l’entreprise un conflit d’intérêts et un manquement à son obligation de loyauté pour lui avoir caché sa liaison amoureuse avec une salariée titulaire de mandats syndicaux et représentatifs.

L’employeur avait alors licencié le salarié pour faute grave. Ce dernier a saisi la justice pour contester son licenciement. Le licenciement pour faute grave a été validé par la cour d’appel.

Celle-ci a estimé que « la déloyauté d'un salarié peut être caractérisée lorsque celui-ci cache à son entreprise des situations le touchant en lien avec l'exercice de l'activité professionnelle exercée ou pouvant avoir des conséquences sur celle-ci ».

Or, en l’espèce, le salarié exerçait des fonctions de direction chargé en particulier de la gestion des ressources humaines (RH). De plus, il avait reçu du président du directoire diverses délégations en matière d'hygiène, de sécurité et d'organisation du travail ainsi que pour présider de manière permanente les différentes institutions représentatives du personnel.

À ce titre, le salarié avait participé avec sa compagne à des réunions conjointes « sur des sujets sensibles » relatifs à des plans sociaux, le salarié en tant que représentant de la direction et la salariée en tant que représentante syndicale et du personnel, cette dernière s'étant en outre investie dans un mouvement de grève au sein de l'entreprise.

Pour la cour d’appel, en dissimulant sa relation amoureuse, le salarié avait de toute évidence manqué à son obligation de loyauté.

Dissimuler cette relation amoureuse constituait une faute grave au regard de l’obligation de loyauté du salarié

Le salarié a contesté la décision de la cour d’appel devant la Cour de cassation.

Il faisait valoir son droit au respect de l’intimité de sa vie privée et estimait que, même s’il était chargé de fonctions de direction, le fait de n’avoir pas informé son employeur sur sa relation avec la représentante syndicale ne pouvait caractériser un manquement à une quelconque obligation du contrat de travail et a fortiori une faute grave.

Mais la Cour de cassation rejette les arguments du salarié.

En dissimulant sa relation amoureuse avec la représentante syndicale, qui était en rapport avec ses fonctions professionnelles et de nature à en affecter le bon exercice, le salarié avait bien manqué à son obligation de loyauté à laquelle il était tenu envers son employeur.

En l’espèce, ce manquement à l’obligation de loyauté constituait une faute grave du salarié.

Attention : c’est bien le fait d’avoir caché la relation amoureuse et non la relation amoureuse en elle-même qui est reproché au salarié. Dans la lettre de licenciement, l’employeur indiquait que s’il en avait été informé par le salarié, il aurait été placé « immédiatement dans la nécessité de [le] préserver d'une telle situation de conflit d'intérêts en évitant, sans remise en cause de [ses] actions et attributions, de telles situations » (CA Nîmes, 15 mars 2022, n° RG 18/03365).

Peu importe que l’employeur n’ait subi aucun préjudice

Notons que le salarié avait soulevé un second argument devant la Cour de cassation.

Il estimait que le silence gardé sur une situation de conflit d'intérêts née d'un fait relevant de la vie privée ne constitue un manquement à l'obligation de loyauté que si l’employeur peut justifier, par des éléments objectifs, d'un préjudice.

Or, il n’était pas établi que les intérêts de l'employeur ou de l'entreprise avaient été lésés.

Mais la Cour de cassation rejette également cet argument.

Le salarié avait manqué à son obligation de loyauté et ce manquement justifiait son licenciement pour faute grave, « peu important qu'un préjudice pour l'employeur ou pour l'entreprise soit ou non établi ».

Cass. soc. 29 mai 2024, n° 22-16218 FB https://www.courdecassation.fr/decision/6656c53b67f9f200081224b0

 

SOURCE RF SOCIAL

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